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Graves
Image illustrative de l’article Graves (AOC)
Carte du Bordelais : la région des Graves est en violet, le long de la rive droite de la Garonne.

Désignation(s) Graves
Type d'appellation(s) AOC / AOP
Reconnue depuis 1937
Pays Drapeau de la France France
Région parente vignoble de Bordeaux
Sous-région(s) vignoble des Graves
Localisation Gironde
Climat océanique
Sol gravier (appelés graves), sable et argile
Superficie plantée 3 087 hectares (en 2023)[1]
Cépages dominants merlot N, cabernet franc N, cabernet sauvignon N, sauvignon B et sémillon B[2]
Vins produits 77 % rouges et 23 % blancs
Production 112 981 hl (en 2023)[1]
Pieds à l'hectare minimum 5 000 pieds par hectare[3]
Rendement moyen à l'hectare 35 hl/ha en rouge et
42 hl/ha en blanc (en 2023)[3]

Le graves[4] est un vin français d'appellation d'origine contrôlée produit dans l'ensemble du vignoble des Graves, une des subdivisions du vignoble de Bordeaux.

Étymologie

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De Gravas en occitan gascon : la « grave », un sol composé surtout de gravier, avec plus ou moins de sable et d'argile.

Avec les graves-de-vayres, les grés-de-montpellier (ces « grès » sont des cailloux calcaires) et l'IGP sable-de-camargue, les vins de Graves sont les seuls en France à porter le nom de leur sol : las gravas de Bordèu, littéralement « les graves de Bordeaux ». L’ancienneté (une des plus anciennes appellations du Bordelais) et l’originalité de cette désignation rappellent le rôle majeur que peut joue le sol dans la qualité des vins.

Le vignoble des Graves est réputé pour être le plus ancien du Bordelais, la viticulture y est réputer remonter à l'époque de l'Empire romain[5]. Au Moyen Âge, Aliénor, duchesse d’Aquitaine, étant devenue reine d’Angleterre, les échanges entre Bordeaux et Londres s’intensifièrent. La grande expansion des vins de Bordeaux et donc de Graves a débuté à la suite du mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri II Plantagenêt. D'autres, comme le pape Clément V qui avait un vignoble familial au château de Roquetaillade, faisaient la promotion du vin d'Oxford à Rome.

Dans la première décennie du XVIIIe siècle, les Britanniques, principaux importateurs, donnent le nom de new french claret à ce grand cru. Ce fut Montesquieu (1689-1755), baron notamment de la Brède, écrivain philosophe, mais avant tout propriétaire terrien, qui se fit l’ambassadeur des vins de la région tant à Paris qu’en Grande-Bretagne.

Au début du XIXe siècle, l'encépagement est un peu différent de l'actuel ; selon André Jullien : « les vins rouges des cantons dits les Graves, sont produits par le carmenet, le verdot, le tarnex, le malbek et le balouzat. Ils ont une couleur plus foncée, plus de fermeté et moins de bouquet que ceux du Médoc ; mais ils sont plus fins, plus délicats et plus spiritueux »[6]. « Les excellens vins blancs de Grave sont faits avec le sauvignon, le blanc doux, le semilion, le cruchinet, la verdelette et la chalosse ; ceux de Pontac sont le produit de la blanquette, du sauvignon, du semilion, du rousselet, de la malvoisie et de quelques plants de folle blanche »[7]. Toutes ces vignes sont arrachées au moment de la crise du phylloxéra puis replantées.

La classification officielle des vins de Bordeaux de 1855 n'ayant retenu que le Château Haut-Brion, les producteurs de graves ont établi un classement en 1953 (complété en 1959) qui a distingué 16 crus classés en rouge et/ou blanc.

L'appellation est créée par le décret du , qui établi un cahier des charges, modifiés par les décrets du , du , du et du [8], puis par les arrêtés du , du et du [3].

Voir l’image vierge
Localisation de l'appellation au sein du vignoble de Bordeaux.

Les graves doivent leur nom à leur sol pauvre recouvert de graviers plus ou moins gros qui, le soir venu, restituent à la vigne la chaleur du soleil emmagasinée durant la journée. De Bordeaux à Langon, les Graves s’étendent sur une large bande de terre longue de 55 km sur 10 km de large, bordées à l’ouest et au sud par la forêt de pins qui les protège des grosses intempéries, à l’est par la Garonne qui joue un rôle de régulateur thermique.

L’originalité de cette région, qui couvre 4 650 hectares (dont 3 450 plantés en vignes) est qu’elle produit en AOC des vins rouges à la chatoyante robe rubis (les graves rouges), des vins blancs secs très aromatiques (les graves blancs), et des blancs moelleux (les graves-supérieures, disposant de leur propre appellation contrôlée). Autre originalité, les quatre vignobles urbains — trois comptent parmi les plus prestigieux des Graves — dont les vignes fleurissent et mûrissent à Pessac, ville de la proche banlieue de Bordeaux (Château Haut-Brion, Château Pape Clément) et à Talence (Château La Mission Haut-Brion).

Aire d'appellation

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Image externe
Aire parcellaire de l'appellation

Les communes suivantes, classées par ordre alphabétique, ont le droit d'utiliser l'appellation contrôlée « Graves » selon le cahier des charges publié au Bulletin officiel du ministère de l'Agriculture du [3] : Arbanats, Ayguemorte-les-Graves, Beautiran, Bègles, Budos, Cabanac-et-Villagrains, Cadaujac, Canéjan, Castres-Gironde, Cérons, Cestas, Eysines, Gradignan, Guillos, Illats, Isle-Saint-Georges, La Brède, Landiras, Langon, Le Haillan, Léogeats, Léognan, Martillac, Mazères, Mérignac, Pessac, Podensac, Portets, Pujols-sur-Ciron, Roaillan, Saint-Médard-d'Eyrans, Saint-Michel-de-Rieufret, Saint-Morillon, Saint-Pardon-de-Conques, Saint-Pierre-de-Mons, Saint-Selve, Saucats, Talence, Toulenne, Villenave-d'Ornon, Virelade, et une partie du territoire de la commune de Coimères. Elle comprend donc en son sein les dix communes de l'aire d'appellation du pessac-léognan, ainsi que les trois du cérons. Le vignoble du Sauternais (appellations barsac et sauternes) y est enclavé.

La surface revendiquée était de 3 420 hectares en 2008[9] ; cette surface plantée est passée en 2023 à 3 087 ha, dont 2 476 en rouge et 611 en blanc[1].

Les graves sont des dépôts de graviers et de galets souvent mélangés à du sable et de l'argile, déposés par la Garonne. Elles forment une série de terrasses en pente douce de plus en plus anciennes à mesure qu'on s'éloigne du fleuve. Il y a d'abord les « argiles des palus », formation argilo-sableuse des anciens marais bordant la Garonne (où est autorisée la production du bordeaux générique) ; puis il y a la terrasse datant du Mindel (Pléistocène moyen) formée de graves dans une matrice argileuse, à laquelle succède celle du Pléistocène inférieur (sur laquelle se trouve Haut-Brion, Haut-Bailly, Pape Clément, Carbonnieux, La Louvière, Smith Haut Lafitte, etc.) avec enfin à l'ouest la « formation de Dépée » composée de sables argileux et de petits graviers (sur laquelle se trouve Fieuzal), qui annonce les sables landais.

À ce tableau se rajoute les affluents rive gauche du fleuve (l'Eau Bourde à Canéjan, l'Eau Blanche à Léognan, le Breyra à Martillac, le Saucats à La Brède et le Guat mort à Saint-Morillon) qui non seulement découpent les terrasses en croupes, mais mettent au jour le substrat calcaire comme autant d'îlots : un peu de calcaire gréseux dit « faluns de Léognan » du Burdigalien près de Léognan, du « faluns de Labrède » qui est un calcaire friable (un peu sableux, fossilifère) datant de l'Aquitanien (Miocène inférieur) et du calcaire à Astéries du Stampien[10],[11].

Encépagement

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Les vins ayant droit à l'appellation d'origine contrôlée graves doivent provenir des cépages suivants :

Le cahier des charges ne prévoit aucun contrainte d'assemblage.

A noter que, pendant un délai expirant avant les vendanges de 1965, le cépage saint-émilion des Charentes a été toléré dans une proportion ne dépassant pas 30 % de l'encépagement. Ce cépage est désormais interdit.

Le rendement de base de l'appellation d'origine contrôlée « graves » est fixé à 55 hectolitres par hectare de vigne pour les vins rouges et à 58 hl/ha pour les vins blancs[3]. Les rendements butoirs sont quant à eux de 65 hl/ha pour les vins rouges et à 68 hl/ha pour les vins blancs secs[3]. Les Guide Hachette 2010 à 2025 indiquent une production de 138 835 hl (dont 75 % en rouge) pour une superficie de 3 420 ha, soit un rendement effectif de 40,45 hl/ha[5], sans toutefois spécifier l'année de référence (probablement 2008).

Pour le vin rouge, les rendements moyens déclarés récemment sont[12] :

Année Superfice (ha) Production (hl) Rendement (hl/ha)
2019 2 616 127 240 49
2020 2 632 98 211 37
2021 2 521 60 708 24
2022  2 558  107 419 42
2023  2 476 87 521 35

et pour les blancs :

Année Superfice (ha) Production (hl) Rendement (hl/ha)
2019 686  27 599 40
2020  665  22 955 35
2021  641  10 707 17
2022  621  21 987 35
2023  611  25 461 42

À titre de comparaison, la production de graves-supérieures s'élevait à 2 100 hectolitres en 2023, soit moins de 2 % du total produit en graves et en graves-supérieures.

Au sein du vignoble des Graves, on distingue deux appellations de vins rouges, graves et pessac-léognan, auxquelles se rajoutent celles en blancs moelleux ou liquoreux que sont graves-supérieures et cérons, qui toutes trois répondent à des critères détaillés dans leur cahier des chargés respectifs.

Les vins rouges ayant droit à l'appellation contrôlée « graves » doivent provenir de moûts contenant au minimum, avant tout enrichissement ou concentration, 189 grammes de sucre naturel par litre pour le merlot et 180 pour les autres cépages noirs, et présenter, après fermentation, un degré alcoolique minimum de 11 degrés d'alcool acquis[3].

Pour les vins blancs, ces valeurs sont de 178 grammes par litre de moût pour le cépage sauvignon blanc et le cépage sauvignon gris et à 170 par litre de moût pour les autres cépages blancs, et un degré d'alcool minimum de 10,5 %[3].

Dégustation

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Vins rouges

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Jeunes, les graves rouges développent des arômes charpentés de fruits rouges et de violette, accompagnés de notes épicées, grillées, de moka et de torréfaction. Ces vins évoluent avec harmonie et leur bouquet peut prendre des notes fumées. Les vins les plus réussis parviennent à posséder de l’ampleur et du volume. L'élégance du bouquet se retrouve au palais, qui débouche sur une longue finale veloutée. Selon les millésimes et leur provenance, leur apogée est atteinte entre 5 et 10 ans. Ils s’associent aux viandes rouges, aux viandes blanches et au gibier à plumes[3],[13],[14].

Vins blancs secs

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Les graves blancs (secs) sont élégants et charnus. Elaborés à partir du sémillon B, ils développent généralement des notes florales ainsi qu'un gras naturel.  Le sauvignon B, qui apporte vivacité et expression, et la muscadelle B qui offre des notes légèrement musquées, apportent des arômes de fleurs et d'agrumes, voire de notes exotiques ou mentholées.   Ils accompagnent la viande blanche, les poissons en sauce, les crustacés et les fromages . Pour les meilleurs, on peut envisager une garde de quelques années[3],[13],[14].

Hiérarchie des prix

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Le prix de vente des vignes ayant droit à l'appellation graves, que ça soit des parcelles en rouge comme en blanc, est officiellement en 2023 de 26 000 euros l'hectare en moyenne (variant entre 10 000 et 38 000 ) ; ces prix sont à comparer à ceux pour l'appellation pessac-léognan qui sont à 450 000  de moyenne (de 350 000 à 600 000 ), à ceux pour un hectare de l'appellation générique bordeaux rouge à 9 000 /ha (de 4 000 à 17 000) ou pour de la terre agricole en Gironde qui est à une moyenne de 7 590 /ha[15].

Pour une comparaison entre les appellations, on peut aussi prendre les prix pratiqués en vrac (en € pour une tonneau de 900 litres) officiellement pour le calcul des fermages[16] en 2023, qui fournissent une hiérarchie[17] :

  • 833,5 € (92,5 €/hl) pour du bordeaux rouge ;
  • 1 258  (140 €/hl) pour du bordeaux blanc ;
  • 1 702,5  (189 €/hl) pour du graves rouge ;
  • 1 780  (198 €/hl) pour du graves blanc ;
  • 1 928  (214 €/hl) pour du cérons ;
  • 4 256  (473 €/hl) pour du pessac-léognan rouge ;
  • 4 450  (494,5 €/hl) pour du pessac-léognan blanc.

Les prix dans le commerce sont évidemment bien plus élevés, variant considérablement en fonction du nom du producteur.

Classement des grands crus

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Ce sont tous des graves, mais sous l'appellation pessac-léognan :

Notes et références

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  1. a b et c « Déclaration de récolte et de production 2023 (campagne viticole 2023-2024) », sur douane.gouv.fr, .
  2. Le code international d'écriture des cépages mentionne la couleur du raisin de la manière suivante : B = blanc, N = noir, Rs = rose, G = gris.
  3. a b c d e f g h i j et k « Arrêté du  », publié au JORF no 0056 du , homologuant le « cahier des charges du  » [PDF], publié au BOMA du même jour.
  4. Le nom d'un vin est un nom commun, donc ne prend pas une majuscule, cf. les références sur la façon d'orthographier les appellations d'origine.
  5. a et b Stéphane Rosa (dir.), Le guide Hachette des vins 2025, Vanves, Hachette pratique, , 1013 p. (ISBN 978-2-01-704746-9), p. 278.
  6. André Jullien, Topographie de tous les vignobles connus, suivie d'une classification générale des vins, Paris, Mme Huzard : L. Colas, , 566 p. (BNF 30667644), p. 200, lire en ligne sur Gallica.
  7. Jullien 1816, p. 201.
  8. « Cahier des charges de l'appellation » [PDF], sur agriculture.gouv.fr, homologué par le « décret no 2011-1787 du 5 décembre 2011 relatif aux appellations d'origine contrôlées « Graves » et « Graves supérieures » », JORF, no 0283,‎ , p. 20693.
  9. Le Guide Hachette des vins, Paris, Hachette, , 1402 p. (ISBN 978-2-01-237517-8), p. 325.
  10. L. Pratviel et Jacques Dubreuilh, Notice explicative de la feuille Pessac à 1/50000, Orléans, Bureau de recherches géologiques et minières (no 827), , 37 p. (lire en ligne).
  11. « Carte géologique centrée sur le château Carbonnieux », sur geoportail.gouv.fr.
  12. « Open Data | Portail de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects », sur www.douane.gouv.fr (consulté le )
  13. a et b « Les appellations », sur www.vinsvignesvignerons.com (consulté le )
  14. a et b « Graves | Guide Hachette des Vins », sur Le Guide Hachette des Vins (consulté le )
  15. « Pris moyen des terres en 2023 », sur agreste.agriculture.gouv.fr, par la FNSafer (fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural).
  16. Pour le calcul de la valeur locative d'une vigne (prix des baux ruraux), il faut prendre le rendement annuel maximum autorisé (par exemple 55 hl/ha pour du graves), le prix à l'hectolitre ou au tonneau fixé par arrêté préfectoral chaque année, ainsi que le pourcentage du rendement (de 13 à 23,5 %) prévu au contrat de location.
  17. « Arrêté du 19 décembre 2024 portant fixation du prix annuel des vins devant servir de base au calcul des fermages dans le département de la Gironde pour la campagne 2023-2024 » [PDF], sur gironde.gouv.fr.

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Bibliographie

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  • Carte des vins des Graves et des Graves supérieures, Laroche-Saint-Cydroine, Benoît France, , carte 30 × 40 cm (ISBN 978-2-84354-316-6).
  • Jean-Claude Hinnewinkel, Les délimitations AOC dans la partie méridionale de la région des Graves (Gironde), , 11 p. (lire en ligne).
  • James Lawther (photogr. Alain Benoit), Le cœur de Bordeaux : crus classés de Graves, Paris, Éd. de la Martinière, , 220 p. (ISBN 978-2-7324-3867-2).
  • Jean-Pierre Xiradakis et Alain Avlotte, Graves, Sauternes, Barsac, Cérons, Pessac-Léognan, Ibos, Rando éd., coll. « Les grands vignobles pas à pas » (no 3), , 112 p. (ISBN 2-84182-024-6).
  • Aperçu historique sur les vins de Graves, Bordeaux, Imprimerie A. Barthélemy, db xxe siècle, 15 p. (lire en ligne).

Liens externes

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Articles connexes

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